10) 2010, Traces d’Icare en ville

Archives, 11/12/2010

Street Art, Bruxelles.





 « Traces d’Icare » en ville, photos © Eric Itschert


"En me promenant en ville, soudain j’entends un fort bruissement d’ailes comme celui d’un grand oiseau. Je lève les yeux vers le ciel, et j’ai juste le temps de voir un être ailé se poser sur une toiture. De suite après il s’est transformé en statue dorée et reste dans une immobilité totale. Je me dis que je dois être fatigué, pour me changer les idées je veux regarder des vêtements dans la vitrine d’un magasin. Mais là, à travers les reflets de la vitre, le visage d’Icare apparaît une fraction de seconde comme à travers une fenêtre dans des rectangles colorés de l’étalage du magasin. Je me frotte les yeux et il n’y a plus que les rectangles colorés et le reflet qui me renvoie l’image de mon visage étonné..."


Sculpture sur une toiture des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles, photo © Eric Itschert



Traces d’Icare en ville : une quinzaine d’Icares jouent à cache-cache dans le centre de Bruxelles. Certains se sont infiltrés dans une exposition collective, d’autres ont pris leur indépendance ailleurs. Photo du haut : vitrine du magasin « Matinée » rue du midi, n°59 et sculpture. Photo du bas : intérieur du salon de coiffure Ken-Zo, rue Léon Lepage, n°39. Ces Icares vont et viennent dans toutes sortes de lieux, à l’extérieur ils prennent l’apparence de dessins à la craie, de peintures au pochoir ou d’affiches. Les affiches sont collées pour être décollées quelques jours après… A suivre…




  

Archives, 19/12/2010.
Mais pourquoi les Icares disparaissent-ils si vite ?


Avec ce temps neigeux les dessins à la craie et les peintures au pochoir s'effacent. Les affiches sont arrachées par un (des?) collectionneur(s). Ne restent que les Icares à l'intérieur de certains lieux... 

Au moment où j’ai réalisé cette intervention en ville, et comme j’empruntais pour la première fois la voie de l’art urbain (1), j’ai d’abord voulu discuter avec deux jeunes grapheurs.  J’ai aimé leur réflexion : la nouvelle expression urbaine devrait inclure un caractère non-violent et écologiste.  Une nouvelle génération d’aérosols devrait être créée : on utiliserait des pigments naturels (terres, craies…) avec un liant facilement effaçable à la pluie.  La colle et les affiches devraient également être programmées pour disparaître après un court laps de temps.  Cela permettrait à d’autres de s’exprimer ensuite de manière tout aussi éphémère sans dégrader notre environnement (4).  C’est donc cette optique que j’ai choisie pour mes interventions extérieures dans la ville.  Les pochoirs ont été utilisés avec des peintures aux pigments naturels à peine liés par de la gomme arabique que j'ai créées moi-même pour l'occasion.  La craie et les affiches ont disparues tout aussi vite, peut-être trop vite car les matériaux utilisés étaient encore expérimentaux… Je ferai de nouvelles recherches à ce sujet.




Ci-dessus un Icare présenté dans un bar. La majeure partie des Icares présentés lors de cette intervention sont des multiples créés à partir de dessins originaux. Ces multiples présentent plusieurs variantes: un même dessin peut être traité en photo, reproduit en peinture au pochoir et en affiche...  Pour l'installation de cet Icare dans ce bar, j'ai tenu compte de la lumière spéciale utilisée en ce lieu, une lumière qui met en valeur les blancs et efface les autres couleurs...


(1)    L’art urbain ou « street art » groupe toutes sortes de formes d’art réalisées dans l’espace public. On peut citer le graffiti (3), l’affiche et la sérigraphie, le sticker, la danse, le théâtre de rue et le happening parmi les multiples formes que peut prendre l’art urbain.  On parle de « mouvement artistique contemporain » mais je crois que l’art urbain est de tous les temps et qu’il comporte plusieurs mouvements se succédant et non un seul. Un des aspects positifs de l’art urbain est qu’il peut s’agir d’une contestation authentique du système en place.  On sort ici de la pseudo « avant-garde » de l’art mondain réservée aux milieux feutrés des galeries, des musées et des académies.  La rue est envahie de publicité qui nous est imposée par le monde de l’argent.  Or la rue appartient à tous.  Dans l’art urbain, certains issus des sphères plus populaires tentent de se réapproprier la rue, contestant par exemple l’omniprésence de la publicité, la détournant parfois. Toute la question est : comment contester un état de fait (le milieu de l’argent nous polluant par sa publicité et sa pensée unique) sans entrer dans les mêmes travers de ce qu’on dénonce ?  Autrement dit, comment ne pas entrer dans le jeu de cette violence urbaine qui nous est imposée ? En cela je crois que le « tag »(2) est contre-productif.  Une des caractéristiques principales de cette contestation devrait être son côté éphémère.

(2)    Le « tag » est une simple signature.  Elle est souvent utilisée seule. « Occuper un espace » comme le font certains tagueurs relève de la même violence urbaine que celle imposée par le monde de l’argent.

(3)   Le graffiti en lui-même n’est pas précisément d’avant-garde puisque son usage remonte à l’époque de la Grèce antique.  A Pompéi (Rome antique) on peut observer l’usage très diversifié que les gens de la rue en faisaient.  Il y a des graffitis contemporains superbes, ils sont de véritables œuvres d’art élaborées avec une technique rapide, sure et efficace.  Ils sont soit abstraits soit figuratifs.  Ce sont des peintures à l’aérosol, utilisant des pochoirs ou appliqués à main libre.  Un bon graffeur maitrise parfaitement la technique du dessin.

(4)  Il s'agit d'une attitude assez humble que l'on retrouve chez d'autres artistes de rues qui dessinent tout simplement au pastel sur le sol...







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