23) Le labyrinthe en Egypte antique
Bien que les Égyptiens aient inventé le labyrinthe avant le
roi Minos, l'édifice bâti par eux a disparu. Il nous en reste quelques
fragments comme celui d'un relief trouvé in situ représentant le pharaon
agenouillé dans un bateau, ouvrant la porte d'un autel qui abrite un arbre
sacré.
Mais il nous en reste aussi plusieurs descriptions
enthousiasmées dont la plus complète est celle du géographe STRABON qui le
visita peu avant le début de notre ère.
Ce labyrinthe s'élevait en bordure du fameux lac artificiel de Moéris et était
flanqué à une de ses extrémités d'une pyramide construite par le pharaon AMENHEMAT
III (XIIè dynastie, vers 1850-1800 avant JC). A remarquer que les Égyptiens
donnaient à cet édifice le terme générique commun de "palais", qui
valait autant pour une forteresse qu'un labyrinthe. Ce "palais" immense et au toit plat
possédait un nombre infini de salles réparties en 12 quartiers comme les 12
nômes égyptiens. Rappelons que le territoire égyptien était divisé en nômes
administratifs.
Citons un contemporain de Strabon, DIODORE DE SICILE, qui
prétend que le labyrinthe crétois n'est qu'une copie de celui du lac Moéris;
Dédale a fait ses apprentissages en Egypte, comme beaucoup de Grecs :
"Dédale avait simplement imité l'enchevêtrement du
labyrinthe encore visible en Egypte, construit longtemps avant le règne de
Minos par le dieu Mendès, ou selon d'autres par le roi Marro…"
Je ne résiste pas à l’envie de donner une citation de ce que
HERODOTE dit de ce labyrinthe dans son livre II de "Histoires :
Euterpe" :
« Ce monument (le labyrinthe d'Egypte) fut construit par les
douze Rois qui régnèrent en Egypte. Ils firent le labyrinthe un peu au-dessus
du lac Moeris, près de la ville des crocodiles. Je l'ai vu et je l'ai trouvé
plus merveilleux que je ne puis l'exprimer. Les plus beaux ouvrages des Grecs,
y compris les temples de Samos et d'Éphèse, sont inférieurs à ce labyrinthe. Il
y a dans ce merveilleux ouvrage douze grandes salles couvertes dont les parties
sont opposées les unes aux autres. Six salles sont disposées au midi sur le
même rang, six autres sont disposées au septentrion. Le même mur les environne
par l'intérieur. Il y a trois mille chambres dont la moitié se trouve hors de
terre et l'autre en dessous. Dans cette dernière se trouvaient les sépultures
des Rois bâtisseurs et celles des crocodiles sacrés. Personne ne pouvait ni ne
devait les voir. Pour les chambres situées sur terre, elles surpassent toutes
les œuvres accomplies de la main de l'homme. Il y a des issues par les toits,
des contours et circuits différents pratiqués dans les salles avec tant d'art
que nous étions pris d'admiration. On passe des salles dans les chambres et de
celles-ci dans les appartements. Les toits sont en pierre et les murs sont
ornés d'ouvrages en sculptures. Chaque salle est bordée d'une colonnade en
pierre blanche ».
Hérodote a vécu vers +/- 484 à +/- 425 avant J.C. durant
l'occupation perse de l'Egypte.
Si l'Egypte antique n'a connu les pièces de monnaies qu'à
une époque très tardive, les dessins labyrinthiques y sont pourtant bien
présents, sur des sceaux et des tablettes dont nous pouvons voir deux schémas
ci-dessous.
Les dessins labyrinthiques de certains sceaux se retrouvent
sur les anses des vases de libation des tombes royales, ce qui est une
indication supplémentaire du lien entre et labyrinthe et la mort chez les
Égyptiens.
Le labyrinthe peut en même temps servir d’instrument
initiatique et de système de protection. Des labyrinthes ont étés construits
pour établir et circonscrire un centre tout en le protégeant par les entrelacs
qui le forment, dans les tombes Egyptiennes par exemple. Le plus ancien dessin
labyrinthique égyptien connu a été trouvé à Memphis sur un fragment de sceau en
stéatite; deux silhouettes humaines s’y font face à côté d’une sorte de spirale
constituée de cinq tournants autour d’un centre. Les premiers monuments
funéraires explicitement labyrinthiques apparaissent aussi en Egypte : ils sont
entièrement conçus et construits pour que celui qui n’en connaît pas le plan
s’y perde. Ainsi est mis en pratique une des fonctions du labyrinthe :
interdire l’accès des tombes des défunts aux intrus, préserver le secret de
leur voyage, garantir que nul ne viendra profaner les lieux ni dérober les
objets qui s’y trouvent.
Si le sujet vous intéresse, je vous recommande deux livres :
HÉRODOTE, Livre II, Euterpe, texte établi et traduit par
Ph.-E. LEGRAND, aux éditions « LES BELLES LETTRES ». (Avantage pour ceux qui
connaissent le Grec : texte Grec juxtaposé.)
STRABON, « Le Voyage en Egypte », préface de Jean Yoyotte,
traduction de Pascal Charvet, et commenté par les deux. C’est un livre
passionnant ! (Editions Nil).
Comme vous l'avez deviné par mes propos, les Égyptiens ont
toujours étés en même temps très attachés aux plaisirs de la vie et en même
temps des grands mystiques. Il y a en eux cette conviction - que je partage -
que la vie sur terre n'est qu'un intermède dans une existence plus grande et
plus vaste. Bien sur cette conviction est éprouvée par le doute de la mort.
Notre vie et nos particularités sont liés au labyrinthe et à
la nasse de pêcheur desquels nous sommes appelés à sortir. Notre nom est signe
de notre particularité. Achevons ce chapitre à propos du labyrinthe en Egypte
avec la lecture d’un texte que j'aime beaucoup: c'est une véritable incantation
à l'Ineffable, à 'Celui qui est caché', à la Lumière qui peut nous ramener à la
vie. Ce texte évoque l’importance du nom.
Toi qui pars, tu reviendras
Toi qui dors, tu te réveilleras
Toi qui meurs, tu revivras
Gloire à toi, aux cieux élevés
A la terre spacieuse
Aux mers profondes
La nuit où l’on compte les années
Hommage te soit rendu
O Maître de clarté
Toi, le chef de la demeure spacieuse
Je suis venu à Toi avec un cœur purifié
Prête-moi tes lèvres pour que je parle par elles
Ravive mon cœur en ma poitrine en la saison des nuages et
des ténèbres
Mon nom, qu’il me soit rendu
Dans la demeure spacieuse, que je m’en souvienne,
dans la nuit où l’on compte les années....
Réveille-toi, tu ne périras point.
Tu as été appelé par ton nom
Tu es ressuscité...
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