98) Saint Jean


huile, tempera, gesso, bois, Saint Jean,
'Saint Jean', peinture sur panneaux de bois, 68,8 cm x 54,5 cm,
deuxième cadre intégré, 1993, © Eric Itschert.

Pour réaliser cette peinture de Saint Jean, j'ai utilisé des moyens tout à fait traditionnels. 
En premier j'ai commandé du bois plein, séché naturellement pendant plusieurs années, importé de Tchécoslovaquie. C'était la filière habituelle en ce qui concernait mes icônes et certaines de mes élèves, sauf qu'ici pour ce Saint Jean je n'avais pas prévu de le peindre selon la tradition et les canons des icônes.  Mon atelier d'icônes, dont j'étais le Maître, se nommait 'Atelier Saint-Michel Archange' (1990 - 1996). Je me faisais fournir en bois par un menuisier-ébéniste namurois, et lui indiquais comment procéder pour les assemblages des panneaux. Cette œuvre-ci a nécessité deux panneaux assemblés verticalement et collés avec de la colle à bois. 

Ensuite le gesso a été préparé dans mon atelier. J'avais mis une méthode au point où une recette traditionnelle était modifiée par l'usage de colle acrylique, moins sensible aux changements d'hygrométrie que les colles de poisson ou de peau de lapin. Bien sûr on gardait la craie ou la poudre de marbre comme base du gesso, on mettait plusieurs couches et on polissait entre chaque couche, pour avoir une surface aussi lisse que du marbre. Au dos une large bande de tarlatane était collée sur la jointure entre les deux panneaux, coté peinture un tissu-tarlatane était intégré au gesso sur toute la surface à peindre. J'avais eu six ans pour mettre cette méthode parfaitement au point, elle a servi pour certains panneaux du retable de l'église Saint-Marc à Uccle. Le retable, malgré les grandes différences de température et le soleil reçu pendant certaines parties de la journée, n'a pas bougé d'un pouce. Pourtant le toit n'a pas toujours été parfaitement étanche, il y eut une fuite d'eau au-dessus du retable!

La dorure a été faite à la feuille d'or, et la finition à la peinture à l'huile. Pour l'or j'ai utilisé du mordant à l'huile, et non du bol d'Arménie. La peinture possède un cadre peint, sur lequel a été rajouté une fine latte. Un cadre supplémentaire sert de finition. Je ne signais jamais mes icônes, selon la tradition. Mais parfois j'apposais le label de l'atelier au dos de l'icône, quand mon commanditaire insistait. Ici, comme ce n'était pas une icône, j'ai signé. La peinture a été vernie coté face, et a reçu une protection bois (pour extérieur) sur les côtés et sur le dos. (1)


Une commande



'Saint Jean', peinture sur bois, 1993, détail, © Eric Itschert


Cette peinture a une histoire amusante. Elle fut ma seule commande refusée. Mon commanditaire se vantait d'être athée. Il avait une attitude très ambiguë par rapport aux icônes. Il trouvait que c'était des vieilleries où les peintres n'innovaient plus depuis des siècles, qu'elles n'avaient aucun intérêt pour l'histoire de l'art; pourtant la peinture religieuse le fascinait. Depuis trois ans déjà j'avais achevé le retable de l'église Saint-Marc. Ce n'était pas des icônes non plus. Je lui ai donc proposé de peindre ce Saint Jean selon le style du retable. Il accepta, pour un prix assez élevé. 

Alors que le travail était presque achevé, il se ravisa et me demanda une œuvre plus petite pour un prix moins élevé. Il rajouta que finalement il aimait bien les icônes. Je l'aurais bien étranglé, mais c'était quelqu'un qui m'avait été amené par un autre commanditaire et je ne voulais pas entrer en guerre avec lui. Je lui fis une icône traditionnelle qui prit bien moins de temps. 

Ce Saint Jean invendu rayonna de suite, il avait une présence incroyable. Dans ma maison, plus personne ne voulait que je le vende. Mais j'avais besoin de rentrées et très vite j'eus un nouvel acheteur. Alors que je venais de m'en séparer, un autre amateur, constatant son absence dans la maison, voulut à tout prix l'acheter à son tour. Il me proposa le double du prix, mais l'acquéreur ne voulut pas céder l'œuvre... 

Depuis lors j'aurais encore pu le vendre sept fois, mais j'ai toujours refusé de me copier...

Concernant la symbolique de l'œuvre, se rapporter à l'article sur le blog 'écrits'.



(1) Il existe aussi deux esquisses sur papier de l'oeuvre.

Commentaires

  1. hello Eric
    on peut être athée et apprécier les oeuvres dites religieuses telles les icônes, son argument ne tient pas et de plus il était fasciné...bizarre ;)
    mais je comprends que tes proches ne voulaient pas que tu t"en défasses il est MERVEILLEUX et m'inspire une connivence avec l'aigle (vrai que je n'y connais rien en symboles religieux) seul le titre évoque la religion a mes yeux...

    douce journée Eric
    bisous ☺

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    1. Salut nays,

      Oui, tout le monde parle encore de ce Saint Jean à la maison et même dans ma famille élargie. L'achat était pour un cadeau. La personne qui reçut le cadeau m'écrit plusieurs fois des lettres enthousiastes sur le tableau. Saint Jean, personne ne l'a vu et il n'existe pas de portraits de lui sinon dans la légende. A partir de ce moment chaque artiste interprète son visage selon sa vision la plus idéalisée. Il est dit de Saint Jean qu'il était "celui que Jésus aimait"... Bisous!

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