212) Une maison à Maredret

Archives, 17/01/2015 

À la frontière du domaine enchanté 



Maredret, rue des Laidmonts, lieu magique, enchanté, ange, daïmôn, nuit, Castor et Pollux, vénus, Magritte
« À la frontière du domaine enchanté »,
huile sur toile de lin, 70 cm X 60 cm, 2005, © Eric Itschert



Ce tableau s’inspire d’une maison qui existe réellement. On peut la découvrir sur une petite route descendant du monastère de Maredret au village du même nom (1). Le village se trouve dans la vallée de la Molignée qui aboutit dans la vallée de la Meuse, entre Namur et Dinant. Le tableau fait partie de la série des maisons la nuit (peintures nuits). 

C’est un lieu magique. Imaginez que vous êtes dans la vallée : il fait froid et gris. Tout doucement, vous montez dans les collines, au-dessus des nuages, et vous vous retrouvez au soleil… ou dans les étoiles ! 

Comme pour la maison précédente, nous entrons dans le monde de la nuit. On est à la frontière d’un domaine enchanté, et la pierre à l’avant-plan en est une des bornes. Cette dernière représente un être ailé qui a replié ses ailes, dans un geste d’autoprotection. Est-ce un ange ou un daïmôn pétrifié ? Est-ce un des gardiens du lieu ? Peut-être se réveille-t-il par moments ? A minuit ou à midi il va bailler, ouvrir les yeux et déployer ses ailes ? Il y a aussi des plantes étranges à l’avant-plan, parmi elles des pavots. Font-elles déjà partie du monde enchanté ? Leurs émanations voluptueuses nous capturent pour ensuite insidieusement nous ensorceler. Sommes-nous entrés dans le domaine d’Hypnos, monde de charmes et de sortilèges ? En tout cas, cet étrange univers fonctionne autrement que le nôtre. 

J’imagine que dans la maison il y a une grande fête. Il y a plein de lumière, de la musique envoutante et des éclats de rires. Sous le toit, une des mansardes est éclairée. Un des habitants, plus jeune, est monté se coucher. Dans le ciel, les étoiles Castor et Pollux, Vénus et la lune brillent. C’est le ciel qu’on pouvait admirer dans notre région, le sud de la Belgique, en juin 2005. 

Nous sommes loin de « L’Empire des lumières » de Magritte. Ce tableau-là nous parle d’une solitude terrible. Il n’y a qu’une seule pièce éclairée dans l’habitation et un seul lampadaire éclaire la route. On imagine un être perdu dans la grande bâtisse, égaré dans un lieu indéfini, dans un non-temps qui n’est ni le jour ni la nuit. Malgré la lumière et le bleu du ciel, « l’Empire » reste obstinément plongé dans les ténèbres. Le titre brouille les pistes. Cela fait partie du génie de Magritte. Le tableau pourrait tout autant s’appeler « L’Empire des ténèbres »

Mon tableau parle, lui, d’une multitude d’êtres même si on ne les voit pas, des humains et puis aussi des créatures fantastiques. Il se situe dans l’univers féerique contemporain (2001) du « Voyage de Chihiro » de Miyazaki… 


Je les prévenais pourtant...


Je les prévenais pourtant. Ceux qui regardaient ce tableau. Je leur disais : « ceci n’est pas un Magritte » ! Certains haussaient les épaules, et passaient à d’autres tableaux. Parmi eux il y avait toujours des mondains et des nouveaux riches, des spéculateurs, ceux qui n’ont pas d’opinion propre et suivent les foules en bêlant, ceux qui constituent leur collection en demandant à des « conseillers » ce qu’il convient d’acheter, ceux qui en réalité n’ont jamais rien pigé à l’art et se font fourguer des requins pourrissants dans du formol sans lire qu’il s’agit du destin de leur propre âme. 

Et puis il y avait ceux qui tenaient compte de l’avertissement. Ils hésitaient, ils avaient envie d’entrer dans cet univers, leurs narines palpitaient car ils avaient déjà senti les odeurs de la forêt venant de la fenêtre du tableau… Parmi les senteurs il y avait cette odeur caractéristique du grand pin là-bas dans le jardin. Oui d’accord j’ai un peu triché. Des senteurs de pin j’en ai rajouté dans la salle où il y avait le tableau. Des pommes de pin aussi. Très vite j’ai livré le tableau, un collectionneur s’est immédiatement pris de passion pour lui, je n’ai plus à m’en préoccuper maintenant… 



Maredret, rue des Laidmonts, lieu magique, enchanté, ange, daïmôn, nuit, Castor et Pollux, vénus, Magritte
Notes pour « À la frontière du domaine enchanté », © Eric Itschert



(1) Rue des Laidmonts

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