229) Naturisme sur la Mer Baltique

Archives, 15/10/2014

Un tableau à l’huile 



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« La mer aux pierres d’ambre cachées », huile sur toile de lin,
100 cm X 80 cm, © Eric Itschert


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« La mer aux pierres d’ambre cachées », huile sur toile de lin,
100 cm X 80 cm, détail, © Eric Itschert



1) Le titre du tableau 


Le titre du tableau est "La mer aux pierres d'ambre cachées". Ce tableau a été présenté pour la première fois lors de l’exposition à la Fondation Isabelle Masui en 2006. Son titre est un clin d’œil à mon fils. Lors de la peinture d'un autre tableau, « Aïnigma » (1), il était en admiration devant le travail presque terminé. Il rêvait tout haut devant le tableau : 


« Oh, c’est vraiment magnifique ! Il y a même des dauphins qui nagent ! » 
« Des dauphins ? » 
« Oui, on ne les voit pas car ils nagent sous l’eau. Oh, t’as vu ? Il y en a même un qui a sauté ! » 
« Non, je ne l’ai pas vu. » 
« Tu n’as pas regardé assez vite ! Le garçon a joué toute la matinée avec les dauphins et maintenant il doit rentrer manger. Il est en train de discuter avec sa copine, mais sa mère l’appelle ! » 
« Sa mère ? » 
« Ben oui, tu ne la vois pas derrière la fenêtre ouverte de la maison ? Elle l’a appelé puis elle est partie... » 

Alors ici il y a des pierres d’ambre, mais on ne les voit pas non plus car elles sont cachées dans l’eau.

2) Une ode au naturisme 


On peut voir ce tableau comme une ode au naturisme, ou comme la représentation d’un monde innocent et non-violent. C’est un monde où l’on vit heureux et librement, corps et âme. Ici l’âme est évoquée par des cerfs-volants, contrairement à dans mes tableaux du début du « Symbolisme Bleu Constructif » où elles sont évoquées par des oiseaux. Dans ce tableau mes personnages sont aussi libres que ces indiens des forêts d’Amazonie, avant que des blancs cupides et imbéciles ne viennent les habiller de force (2), empoisonner leurs terres et leurs âmes et brûler leur forêts. 

Souvent je me demande lesquels sont les plus civilisés, des indiens ou nous... 

La nudité dans mes tableaux est certes une ode à la nature, mais aussi une protestation contre ce monde si violent où nous vivons. Je n’hésite pas à m’engager à ma manière dans cette lutte : je ne me contente pas de faire poser des modèles nus, mais je me montre parfois aussi moi-même nu, que ce soit en peinture ou en photo

Tous les êtres humains sont égaux. Notre sang est identiquement rouge et nos larmes salées. Nus nous sommes nés, nus nous mourrons. Le paradoxe de la nudité est qu’elle peut pleinement exprimer notre liberté, notre authenticité et notre dignité ; le vêtement, lui, sera trop souvent utilisé comme un carcan afin d’instaurer des discriminations et des inégalités, fut-ce entre l’homme et la femme. Méfiez-vous des censeurs, même si tout évidemment dépend du contexte. 

Mais ceux qui trouvent la nudité « dégoûtante » sont des gens qui ont d’énormes problèmes avec eux-mêmes et leur propre corps. Et quand une société est trop puritaine, la violence extrême n’est jamais loin…

Enfin je ne résiste pas à l’envie de vous citer un passage du livre « Le Prophète », écrit par Khalil Gibran : 

"Et le tisserand dit : 
« Parle-nous des Vêtements » 
Et il répondit : 
« Vos vêtements cachent une grande part de votre beauté, mais ne dissimulent pas ce qui est disgracieux. 
Et bien qu’ils vous procurent la liberté de votre intimité, ils risquent aussi de devenir harnais et chaîne. 
Il vaudrait mieux rencontrer le soleil et le vent avec le satin de votre peau plutôt qu’avec votre vêture. 
Car le souffle de la vie est dans la lumière du soleil et la main de la vie est dans les caresses du vent. Certains d’entre vous disent : « c’est le vent du nord qui a tissé les vêtements que nous portons. » 
Et moi je vous dis : « Oui, c’était le vent du nord, mais la honte fut son métier et le ramollissement des muscles fut son fil. 
Et son travail accompli, il rit aux éclats dans la forêt. » 
N’oubliez pas que la pudeur est un bouclier contre le regard impur. 
Et lorsque l’impur n’est plus, que devient la pudeur sinon une entrave pour le corps et une souillure pour l’esprit ?
Et n’oubliez pas non plus que la terre s’enchante de toucher la plante de vos pieds nus, et que les vents rêvent de jouer avec votre chevelure." 


Il y a un autre passage de texte, chrétien, beaucoup plus ancien, qui existe à propos des vêtements. Il s’agit d’un passage de l'Évangile selon Thomas. Cet évangile, devenu apocryphe, était connu des premiers Pères de l’Eglise car ils en ont cité des passages. Ensuite il a disparu et n’apparaît pas parmi les quatre évangiles canoniques reconnus par les Églises instituées. Il a été redécouvert en 1945 aux environs de Nag Hammadi. Il s’agit de « dits » de Jésus, répartis en 114 logia. C'est un évangile gnostique non dualiste. 


Je cite ce passage : 

"Ses disciples demandent : 
« Quel jour nous apparaîtras-tu, et quel jour te verrons-nous ? » 
Jésus dit : 
« Lorsque vous vous dépouillerez sans que vous ayez honte, que vous ôterez vos vêtements et les déposerez à vos pieds à la manière des petits enfants, et que vous les piétinerez ! Alors vous deviendrez les fils de Celui qui est vivant, et vous n’aurez plus de crainte. »" 

Évangile selon Thomas, logion 37 


3) La construction du tableau 


A première vue ce tableau semble être une représentation naturaliste d’une plage, en réalité il n’en est rien. J’ai toujours beaucoup aimé le travail de Paul Delvaux. Ce peintre connaissait parfaitement les règles de la perspective, mais il adorait les transgresser au nom de la représentation d’un monde onirique. 

J’ai voulu représenter les personnages en arrière-fond plus grands qu’ils ne devaient apparaître en réalité. Je voulais créer des personnages posés dans le paysage comme dans une miniature persane. Si j’avais suivi les règles d’une perspective construite, la fille en avant-plan aurait caché une partie de mes autres personnages et aurait pris trop d’importance. Mes personnages sont donc placés dans le paysage en fonction de la composition et non en fonction de règles de perspective. 

Dans ce cas-ci, la composition du tableau a fait l’objet d’une étude préalable. J’ai d’abord peint sur du carton une grande esquisse de mon paysage avec des beiges et des bleus, en y rajoutant quelques petites touches de vert et de gris. Une fois la couleur vinylique sèche, j’ai découpé des papiers de couleurs. Il me fallait deux couleurs chaudes pour équilibrer le bleu et le jaune du paysage. J’utilise souvent cette méthode pour mettre mes personnages en valeur. J’ai pris du papier rouge pour les trois cerfs-volants et du papier terre de sienne brûlée pour mes cinq personnages. Ensuite il n’y avait plus qu’à déplacer mes papiers sur le paysage pour avoir une composition équilibrée : l’harmonie de la composition devait primer sur la logique dictée par la perspective. Les cerfs-volants exprimant aussi la liberté, je voulais que mes personnages soient littéralement entourés par les trois cerfs-volants. 

Dans la réalité ces personnages n’existent pas. Pour la fille par exemple j’ai pris deux modèles différents et les ai fondus en un seul, et le visage a été totalement inventé. La fille a aussi été montrée isolée à l’exposition de 2006, ce qui permettait de la traiter de plusieurs manières différentes. 

Je voulais montrer des falaises typiques de la région de Rügen dans le Mecklembourg en Allemagne, où l’on pratique beaucoup le naturisme. Mais comme j’ai commencé à la composition de ce tableau alors que j’étais en Sardaigne j’ai pris en note des falaises sur place pour les modifier ensuite. 




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Des personnages 'posés' dans le paysage:
garçon androgyne, détail du tableau, © Eric Itschert 




(1) Une anecdote concernant le mot « Aïnigma » : dans ce blog j’ai écrit ce mot avec une erreur ; j’ai écrit par endroits « Aïnygma ». C’est une mauvaise transcription du grec Αίνιγμα. En fait on pourrait aussi tout simplement écrire « Enigma » 

(2) Pendant des années des missionnaires à l’esprit étroit se sont acharnés à habiller les peuples conquis afin de les « civiliser ». La nudité est insupportable pour eux car païenne. L’homme doit s’habiller en raison du « péché originel », invention d’Augustin d’Hippone au IVème siècle. Cette invention culpabilisante est rendue possible suite à une erreur de traduction latine de la Bible, Augustin ne connaissant pas le grec. Pour résumer, en naissant vous êtes déjà chargé d’un très lourd péché que vous n’avez même pas commis (3). En fait la théorie du péché originel vient d’une interprétation réductrice et abusive de la Genèse, et les Juifs ne la reconnaissent d'ailleurs pas. Cette théorie manichéenne (Augustin était au départ manichéen) empoisonne toujours une grande part du Christianisme et a été reprise par la majorité des Protestants. Elle est une des créations horribles de la scolastique, qui n’est jamais à court d’une monstruosité ou d’une aberration (le plus souvent créée pour des raisons de pouvoir et non pour des raisons religieuses). Cette erreur est la conséquence de la perversion du sacrement du baptême, « deuxième naissance », « illumination », qui doit être conféré à un adulte conscient et consentant, et non à des bébés... (Cfr Saint Justin, IIème siècle). A partir du moment où l’on baptise des bébés, il faut leur inventer un péché originel sinon de quoi les laverait-on ? 

Désormais quand vous voyez dans un film américain un couple d’amoureux qui par un été caniculaire fait l'amour tout habillé au lit, vous comprenez pourquoi :D 

(3) C’est un peu comme notre dette financière : en naissant vous êtes tributaires d’une dette fictive aux banques. Cette dette est celle des états et des collectivités, pour rembourser aux banques les emprunts que nous leurs avons faits pour les renflouer. Ceux (et celles) qui bénéficient de ces remboursements sont les mêmes qui ne payent pas d’impôts (ou très peu) et qui s’amusent à spéculer. C’est un montage très habile qui permet aux multinationales et aux très riches de nous tondre comme des moutons à travers les « dettes » de l’état. Et comme on n'a toujours pas véritablement scindé les banques (banque de dépôt et banque spéculative) ni supprimé les paradis fiscaux, il n'y a aucune raison pour que les restrictions budgétaires s'arrêtent...


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