365) Couleurs: notions

 

Lorsque je donnais cours d’aquarelle, je devais commencer par redéfinir toute une série de notions de base concernant les couleurs. Tout le monde sur Internet y va de ses propres interprétations, et n’importe qui peut décider d’enseigner l’aquarelle. C’est bien ainsi, vive la liberté !

Mais du coup certains termes sont utilisés improprement, les erreurs sont plus vite copiées que les termes exacts, et il devient impossible d’encore savoir de quoi on parle. Je redéfinis donc une terminologie exacte.

Bibliographie

La terminologie des couleurs nous vient de la teinture. Je prends comme référence de départ le Dictionnaire Émile Littré, dans son édition abrégée de 1950 (« Éditions universitaires »). Émile Littré lui-même souligne que la terminologie française des couleurs nous vient des teinturiers. Par ailleurs pour les grandeurs caractérisant les couleurs je tiens compte d’un article assez récent (collaboration Philippe Fagot, administrateur du Centre français de la couleur), publié dans « Science & Vie Junior », et intitulé « La couleur en trois dimensions » (Dossier hors-série « la couleur », janvier 1996). Enfin pour compléter je reprends l’ancienne terminologie des couleurs utilisé dans ma jeunesse, un modèle de bon sens.

Le classement des couleurs

Nuancier:
clarté, saturation, nuances, assombrissement, éclaircissement, rembrunissement.

Une couleur est caractérisée par trois grandeurs : la teinte, la saturation et la clarté.

La teinte

La teinte, c’est ce que nous appelons communément la couleur. Il y a des couleurs pures et des couleurs dégradées (voir le cercle des couleurs d’Alfred Hickethier dans ma note « Les voiles jaunes »). Les couleurs de base sont classées dans un cercle dit chromatique. Ce cercle permet de repérer la complémentaire d’une teinte : c’est celle qui lui est diamétralement opposée sur le cercle.

La saturation

La saturation d’une couleur est son degré de pureté. Plus une couleur est dite « saturée » plus elle est pure. Plus une couleur est désaturée, plus elle est terne. Une couleur totalement désaturée devient grise. On parle aussi d’intensité d’une couleur : plus la couleur est dense plus elle est saturée. Mais tenons nous en au terme saturation.

La clarté

Pour juger de la clarté d’une couleur, il existe des moyens bien pratiques. Le premier moyen est la photocopie en noir et blanc. Prenons un carré rouge et un carré vert et photocopions-les. Si les carrés nous apparaissent du même gris, alors c’est qu’ils présentent la même clarté. Le deuxième moyen est d’en faire une photo numérique, et d’ensuite dé saturer la photo avec un programme de traitement de photos. En peinture on peut modifier la clarté d’une couleur en l’assombrissant ou en l’éclaircissant.

Terminologie

Riffelalp, 1967. De gauche à droite: couleurs éclaircies.

Riffelalp, 1967. De gauche à droite: couleurs désaturées.

Rabattre une couleur : « corriger une couleur trop vive » (Littré). On utilisera ce terme dans son sens le plus large : on peut rabattre une couleur :

• en l’assombrissant
• en l’éclaircissant
• en la désaturant
• en la brunissant

Rabattre une couleur n’est donc pas uniquement rajouter du noir à une couleur pure (assombrir une couleur) comme je le lis trop souvent. Surtout qu’il faut éviter le plus possible l’utilisation du noir en peinture !

Assombrir une couleur : 

On évite de rajouter du noir à une couleur pour l’assombrir, on ajoute du gris neutre ou du gris obtenu par mélange.

Éclaircir une couleur : 

En peinture on rajoute du blanc, en aquarelle on évite le plus possible le blanc et on éclaircit la couleur avec de l’eau. Éviter le terme « dégrader une couleur » (voir plus bas).

Désaturer une couleur : 

Amener une couleur vers plus de gris. Le meilleur moyen pour désaturer une couleur, c’est de lui rajouter une dose de sa complémentaire. Éviter le terme « rompre une couleur » (voir plus bas). À noter que désaturer une couleur n’est pas la même chose qu’éclaircir une couleur (voir "Nuancier" et photos "Riffelalp 1967" plus haut).

Brunir une couleur : 

Amener une couleur vers plus de brun.

Nuancer une couleur : 

On nuance une couleur en lui rajoutant une légère touche d’une autre couleur. Le terme est imprécis, car comment savoir jusqu’à quel point un jaune légèrement orangé devient de l’orange ? Or ni l’orange ni le vert clair ne sont des « nuances » du jaune…

J’ai toujours utilisé cette terminologie-là et pas une autre, pour une précision exacte de ce que je veux dire.

Termes à éviter

Dégrader une couleur : 

Dans le Littré, on lit : « Dégrader : diminuer progressivement (en luminosité) – Dégradation : diminution progressive de la lumière, des ombres, des couleurs. » Ailleurs on lit juste l’inverse : « Le dégradé est une transition progressive vers le blanc» (Ségolène Bergeon-Langle et Pierre Curie, Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique, Paris, Editions du patrimoine, 2009). Ce terme inutile donne lieu à tous les quiproquos.

Rompre une couleur : 

Dans le Littré, on lit : « Couleur rompue : celle qui participe d’une autre couleur, en vertu d’un reflet. – Ton rompu, qui s’élève ou se dégrade, pour figurer l’ombre avec plus ou moins d’intensité. » Ailleurs on lit : « Rompre une couleur consiste à lui rajouter sa complémentaire – c’est un moyen pour obtenir des gris » (« Les bases de la peinture », repris dans « abc dessin, les bases du dessin et de la peinture », Overblog). Ici encore le terme manque de précision et de consensus : utilisons le terme « désaturer » une couleur.