213) Une maison inventée


Archives, 29/01/2015 

L’impermanence des choses



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« L’impermanence des choses »,
huile sur toile de lin, 70 cm X 60 cm, © Eric Itschert


1. Le tableau 


« L’impermanence des choses » est un tableau de maison la nuit qui ne se réfère à aucune maison belge réelle. 

A gauche on se retrouve sur la terre ferme, à droite la mer semble petit à petit grignoter le jardin et les bois au fond du jardin. 


2. Un dessin de Fernand Khnopff 


Le dessin de Fernand Khnopff « La ville abandonnée » (1904, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, inv. 7030) m’a beaucoup impressionné quand j’étais petit. On voit une place abandonnée et grignotée par la mer. L’architecture des maisons est typiquement brugeoise. Ce dessin laisse une impression de solitude. Probablement que j’ai éprouvé le besoin, comme pour le précédent tableau, de repeupler cet univers de solitude éprouvé lors de mon enfance. Dans « L’impermanence des choses » la maison est peuplée, on y fait la fête comme dans « A la frontière du domaine enchanté » et cette fête est magique.

3. Dissolution et lune en forme de barque 


Sur ce tableau-ci la mer envahit donc insidieusement la terre et l’efface. De même la nuit prend le pas sur le jour. 

Il y a plein d’étoiles dans le ciel, dont Castor et Pollux, et on devine la planète Vénus en un point particulièrement brillant. Ici comme pour d’autres de mes tableaux c’est la disposition d’étoiles que l’on pouvait admirer une nuit claire en Belgique en juin 2005. 

Mais il y a aussi des étrangetés : ainsi la lune n’est pas « lisible » pour un Européen. Elle ne semble ni croissante (imaginer un D) ni décroissante (imaginer un C, c’est pour cela qu’on dit que la lune « ment »). Elle a la forme d’une barque et navigue sur le ciel étoilé. Celui qui habite sous les Tropiques sait qu’il s’agit du premier quartier de lune, donc d’une lune croissante (1). La lune occupe une place particulièrement importante dans le ciel, elle semble au plus proche de la terre. Selon des traditions réparties un peu partout dans le monde c’est elle qui « gouverne » l’élément eau, et en effet elle a une influence notable sur les marées. On peut encore admirer ce type de lune, en un filet très mince et avec le soleil derrière, près du pôle Nord, au lever du soleil, au moment où la lune est la plus proche de l'horizon. 

Ce tableau nous indique une situation hors espace déterminé et hors temps déterminé puisqu’il brouille les pistes espace-temps. 


4. Réalité transitoire 


« L’impermanence des choses » évoque la réalité transitoire de ce monde, appelée « samsara » dans l’hindouisme, le bouddhisme, le jaïnisme et le sikhisme. Spiritualiste, j’ai toujours cherché à suivre « La Voie du Milieu » : ni matérialisme athée ne concevant que ce monde comme réalité, ni refus de ce monde au nom d’une autre réalité. Je crois que la réalité mouvante et changeante de la matière perdurera infiniment, parallèlement à ce qu’on appelle le « nirvana » dans le bouddhisme. L’un a besoin de l’autre. Je préfère donc parler de « réalité transitoire » plutôt que « d’illusion ». La seule illusion est de croire que rien ne va changer, et le Christ lui aussi met le Chrétien en garde contre cette illusion... 


5. Une autre lecture du tableau 


Comme dans un rêve qui se dissout au réveil, ce monde est appelé à se dissoudre avec la forme de ses habitants. Dans ce cas ce n’est pas la nuit qui efface le jour, mais la lumière qui efface la nuit. C’est la force de tout tableau : le temps est immobilisé, on ne sait pas dans quel sens il va. 

Un spectateur me dit un jour : au fond, on ne sait pas si c’est l’eau qui mange la terre ou la terre qui émerge de l’eau, si on est au début du rêve ou à sa fin... 



(1) En France cette situation se voit dans le ciel du soir, chaque année aux alentours du mois de février, mais sans le soleil évidemment.

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