252) Maison dans la nuit étoilée

Maison au-dessus des nuages, huile sur toile de lin, 70 cm x 60 cm,
© Eric Itschert

De ce tableau-ci je n'ai plus que de très mauvaises photos analogiques. Ce cliché ne donne qu'une très faible idée de la beauté et de la transparence des couleurs, quant aux nuances elles sont totalement perdues. Or dans ce genre de tableau c'est bien de cela qu'il s'agit: de la manière de traiter le sujet, et moins du sujet lui-même. C'est particulièrement évident dans la pléthore de monochromes qui depuis un siècle inondent le marché de l'art contemporain: il y a parfois des merveilles, mais la plupart des peintures ne valent même pas le prix de leur toile. Le fait qu'ils soient 'le premier monochrome de l'histoire de l'art' ne change rien à l'affaire, car comme les reliques les premiers monochromes de l'histoire de l'art fleurissent. Bien des artistes ont abordé le thème de la nuit. Mais combien ont réussi à rendre cette magie de la nuit?

Pourtant je tenais quand-même à montrer ce travail. Il fait partie de la série des maisons la nuit. C'était une commande inspirée de la maison à Maredret, 'À la frontière du domaine enchanté'. Le tableau 'À la frontière du domaine enchanté' fut vendu aussitôt exposé: le soir du vernissage il y eut trois amateurs à la fois. Comme je n'aime pas me copier, j'ai suggéré à un des amateurs désolé d'avoir manqué l'achat du tableau exposé de réaliser une nouvelle toile. Il est toujours risqué de réaliser une commande, mais la nouvelle toile suscita l'enthousiasme, un des visiteurs de mon atelier voulut même l'acheter. Je dus préciser que c'était une commande. Elle fut aussitôt acceptée et payée par le commanditaire.

Du tableau précédent à celui-ci il y a pourtant un changement d’atmosphère. La figure à l'avant-plan, à droite, n'est plus un ange ou un génie aux ailes repliées. Il n'y a pas de plantes bien déterminées à l'avant-plan ni de pavots. Par contre on peut se demander si la figure étrange et inquiétante à l'avant-plan n'est pas la prolongation d'un être bien plus mystérieux encore, d'autant plus qu'on ne le voit pas. La nuit dissimule bien des êtres et des choses. Tout l'art est de suggérer ce qu'on ne verra jamais sinon par sa propre imagination. Certains ont développé leur imaginaire, d'autres pas. Certains qui l'ont développé ont vu dans la figure un bâton de berger ou de commandement tel le bâton pastoral d'un évêque ou le sceptre d'un roi. Qui dit bâton dit détenteur du bâton, et celui qui le tient est détenteur du pouvoir représenté par le bâton.  Or le détenteur du bâton on ne le voit pas, et une question supplémentaire se pose immédiatement: de quel pouvoir s'agit-il? Quelle est son ampleur? 

Un titre genre 'Le visiteur' aurait risqué de bloquer les interprétations possibles sur la figure à l'avant-plan, la peinture offre des échappées qu'il faut laisser ouvertes. Comme dans le tableau précédent on peut imaginer qu'il s'agisse d'une borne frontière d'un domaine enchanté, un domaine appartenant à l'une ou l'autre sorcière ou sorcier...