293) Projets à partir de taches

Forme et style, taches, artiste polymorphe, papier marbré, spéculation, Dessins bizarres ou mal foutus, logo, label,
"Combat", étude à l'aquarelle pour un panneau en bois laqué,
© Eric Itschert


1. Des artistes facilement identifiables, produits hautement spéculatifs.


Certains collectionneurs préfèrent les artistes facilement identifiables et classables. Cela permet la spéculation sur une marque, un label, un logo (1), peu importe le « produit » présenté. Une valise Samsonite fabriquée dans une usine en Chine aura une valeur ajouté énorme par rapport à exactement la même valise fabriquée sur les mêmes lignes de montage dans la même usine mais sans logo. Pour la partie émergente de l'art contemporain issue et définie par la méthode publicitaire c'est le même processus.

Un exemple phare est le cas de Daniel Buren. Quand on parle de Buren, on pense de suite à ses bandes verticales. Ce qu’il fait n’a absolument aucun intérêt artistique, son objectif n’est-il d'ailleurs pas selon ses propres dires d’atteindre « le degré zéro de la peinture » ? Qui ne connaît pas ses rayures standard de 8,3 cm de large ? Elles proviennent du tissu qu’il découvrit au marché Saint-Pierre à Paris.

Ainsi Buren copie des lignes d’un tissu du commerce, et à son tour il sert de modèle de référence à copier dans des classes de maternelle en France. Le bon goût doit se former le plus tôt possible, la rayure doit absolument être identifiée au logo "Buren" et non à sa forme première de « rayure ». La boucle est bouclée. Le produit Buren est reconnu à force de génie opportuniste, commercial et procédurier, ce label est gravé dès l’enfance dans la tête de tous les petits Français (exemple), est imposé à notre regard dans des espaces publics (2) et se retrouve même sur des boîtes de fromage célèbres pour leur tête de vache. Mais qui dit produit spéculatif dit forcément bulle et gare à la déconfiture une fois la bulle éclatée. 



2. La polymorphie d’un artiste le préserve de la spéculation


Si à la Renaissance italienne, au plus fort de l’époque humaniste, il était bien vu d’être un artiste polymorphe, par exemple architecte, peintre, sculpteur et scientifique à la fois, de nos jours le monde spéculatif est moins intéressé par ce genre d’artistes. Cela préserve l’artiste de la spéculation. Le prix que demandent les galeries pour ses œuvres est un prix juste, basé uniquement sur la qualité intrinsèque de son travail. L’acheteur et le collectionneur seront assurés de ne pas se tromper sur l’estimation de l’œuvre pour laquelle ils auront eu le « coup de cœur ». Bien sûr je me situe dans ce deuxième groupe d’artistes, un artiste polymorphe soigneusement préservé de toute spéculation. 

Il est pourtant difficile de sortir de certains pièges. Ces derniers temps je suis surtout connu pour mes travaux sur les nageurs et les piscines. Or mon travail embrasse un domaine bien plus large. Pour illustrer mes propos, je montre en tête de cet article un projet de tableau réalisé à partir de taches. La méthode est différente de celle utilisée pour mon « lapin émergeant de taches ». Concernant ce projet et celui présenté la semaine prochaine, une œuvre est entièrement recréée à partir d'un papier marbré, mais sur un support indépendant de la source d’inspiration. Je lis et recrée des formes à partir du papier marbré que j’ai d’abord fabriqué moi-même (voir un exemple dans "Les délices de l'abstraction"). L’étude à l'aquarelle est ensuite destinée à être agrandie et réalisée à l’aide de laques sur un panneau de bois…



(1) Lire "No Logo" de Naomi Klein.
(2) Lire à ce sujet un passage d'"Histoire d'art et de pavés", pour  l'occasion il sera question de l'artiste Daniel Ruben. Car Buren c'est un concept qui peut s'appliquer à plein d'autres artistes minimalistes, comme Olivier Mosset ou Niele Toroni: d'une pierre on fait deux coups, leur "tic" devient leur logo. C'est très efficace pour envahir le cerveau des gens...

Commentaires

  1. hello Eric
    des taches qu'on aurait pas du tout envie d'essayer d'effacer chouette les petits poissons rouges

    ce monde des logos et autres me laissent froides comme une glaçonne ☺
    bon WE bisous ☺

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    1. Haha, en effet parfois les tâches m'inspirent... Parfois cela me donne un petit air bizarre, de rester là immobile à méditer devant une tâche réalisée dans un cahier :D

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