395) L’édition d’œuvres numériques.


Deux versions d' "Andrea en Icare", © Eric Itschert

"L'œuvre [numérique] peut imiter à la perfection un dessin, une peinture ou une sculpture, cela reste une photo [...]. Aucun crayon, aucune peinture n'est intervenu dans le processus de création. On fait comme si on peint, comme si on dessine…"


(Article modifié le 29-05-2023)

À combien d’exemplaires éditer cette photo ou cette illustration numérique ? Voici une question que je me suis souvent posée avant de numéroter mes exemplaires.


1. Œuvres physiques.


Les œuvres physiques réalisées avec des moyens matériels sur support matériel (crayon, peinture, papier, toile, bois…) sont des œuvres uniques, la question du nombre d’exemplaires ne se pose pas. Mais la question se pose dès lors qu’une œuvre est numérique.


2. Œuvres numériques.


Les œuvres numériques peuvent se multiplier à l’infini. Comme on a vu précédemment, qu’elles soient « certifiées uniques » par un NFT ou non ne change absolument rien à l’affaire. Dans l’état actuel des choses, le NFT est une gigantesque farce (1).

2.1. Mes œuvres numériques nécessitent la photographie ou le scan.


À un moment ou un autre, mes œuvres numériques sont tributaires de la photo, que ce soit une photo de départ ou un dessin/peinture photographié/scanné. Je considère donc que mon travail numérique relève dans son entièreté de la photo, c'est bon de le rappeler. Qui dit photo dit autre public, autres collectionneurs.

Une photo ou une illustration numérique peut être vendue à des prix beaucoup plus abordables.

2.2. Qui dit photo dit impression.


Autant auparavant j’ai vendu des photos analogiques à des prix très appréciables, autant actuellement tout ce qui est travail numérique non utilitaire se vend moins bien, seul la signature et le certificat d’authenticité sauvent l’affaire. Est utilitaire tout ce qui est illustration d’un texte ou d’un jeu, dans le sens large du terme. Cela va du livre au jeu en passant par du décor de scène. Cela peut être du dessin, de la peinture ou de la photo.

Qui dit photo dit impression. Mes photos analogiques étaient vendues imprimées sur du papier argentique, et numérotées. Depuis lors ces papiers sont introuvables, ce qui fait la rareté de ces photos. Par contre maintenant, malgré le choix varié des supports, les techniques d’impression sont très standardisées.

2.3. Le serpent qui se mord la queue.


Pourquoi payer une photo ou une illustration qu’on peut copier gratuitement sur Internet ? Et tout d’abord pourquoi l’œuvre se retrouve sur Internet ? Après tout l’artiste n’avait qu’à ne pas la publier ? Tout simplement l’artiste publie parce qu’il doit se faire connaître. Le temps est fini où on pouvait faire des vernissages pour un public sélect et fermé. Ce n’est pas plus mal, cela va avec une certaine démocratisation de l’art. Cela ne me gêne pas qu’une personne copie une de mes œuvres pour l’exposer dans son salon. Mais Internet est un couteau à double tranchant, c’est le serpent qui se mord la queue. Une œuvre connue est celle qui a été copiée de manière virale. Rien ne peut empêcher la copie, en dernier recours les captures d’écran sont là pour cela. Ce que je n’accepte pas par contre, c’est qu’on se serve de mes œuvres pour en tirer profit alors que moi-même je ne gagne rien. Moi aussi je dois vivre. La seule réponse que l’artiste peut trouver au copiage de ses œuvres est de faire des impressions de qualité, à haute résolution et à grand format, signées et numérotées (2). Et même si mes œuvres se retrouvent copiées sur Internet, cela sera toujours à basse définition (c'est devenu faux, même pas un mois après cette publication: voir bas de page 3) .

3. Nombre d’exemplaires édités.




Portraits d'Andrea, triptyques, photos tramées, © Eric Itschert
Ici les trois variantes sont visibles sur Internet.


3.1. Règle générale.


La plupart du temps je ne dépasse jamais les quinze exemplaires. Soit cinq exemplaires de trois formats différents. Souvent je me restreins à cinq exemplaires d’un format unique. Au-delà cela devient du travail en série.

3.2. Les photos tramées.


Les photos tramées suivent la même règle jusqu’en 2022.

3.3. Les nouveaux triptyques numériques, à partir de 2022.


Pour les nouveaux triptyques numériques j’ai introduit de nouvelles règles, par jeu. Chaque triptyque présentera trois versions/variantes différentes. Et chaque version/variante sera imprimée en trois exemplaires. Soit en tout neuf exemplaires. Chaque fois j’éviterai de montrer sur Internet une des trois versions/variantes, pour lui donner plus de rareté.


4. Les cyanotypes, un cas à part.


Si mes galeristes n’ont jamais pris, même en dépôt, d’œuvres réalisées numériquement (4), ils s’intéressent par contre beaucoup à mes cyanotypes. Le cyanotype est réalisé soit à partir d’un négatif, soit à partir d’empreintes ou de projections d’ombres. Il est impossible de réaliser deux cyanotypes identiques, même si on part d’un seul et unique négatif. L’impression d’un cyanotype, totalement manuelle, nécessite des étapes de travail et du temps. Elle donne lieu à des « accidents », et c’est ce qui fait son charme (5).

Mes cyanotypes sont édités entre cinq et quinze exemplaires, selon. Ils sont numérotés et signés.





(1) Et cette farce me révolte profondément. Comment peut-on accepter que des riches puissent se permettre de perdre des centaines de milliers de dollars juste par jeu alors qu’il n’y a plus d’argent pour la santé publique ni pour les écoles ? Comment peut-on accepter qu’une collection de NFT coûte si cher à la planète en ce qui concerne l'empreinte écologique ?

(2) Mes galeristes sont peu intéressés par le numérique, probablement avec raison. D’ailleurs la photo n’est pas de leur domaine. 

(3) En quelques mois la science fait des progrès incroyables, et depuis lors n'importe qui peut transformer une photo à basse définition en photo à haute définition, grâce à l'intelligence artificielle. Plus que jamais il sera difficile de retrouver la paternité d'une œuvre photographique. D'autant plus que toutes les techniques existent pour effacer très facilement toute historique, toute marque et toute signature sur une photo.

(4) À l'exception d'affiches pour Allen Fine Art

(5) On retrouve ce charme dans les photos polaroïds. Elles sont uniques et non reproductibles.





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