387) Pourquoi l’art NFT n’existe pas.

 

Ceci n'est pas de l'art NFT.
 Faunes pixellisés, illustration © Eric Itschert.

Cela fait quelque temps que je me suis inscrit sur Instagram. Par jeu, mais aussi pour me faire mieux connaître. Et là, je me suis littéralement fait harceler pour vendre mes œuvres certifiées par des NFT. On m’en offrait des prix délirants, et pourtant j’ai systématiquement refusé. J’y reviendrai. En attendant j’explique d’abord pourquoi l’art NFT n’existe pas en lui-même.

1. Un NFT, c’est quoi ?


Avant de commencer, définissons ce qu’est un NFT. Le terme NFT vient de l’anglais, «  Non-Fungible Token », jeton non fongible en français. C’est un jeton cryptographique.

1.1. Objet non fongible.

Un objet non fongible est un objet unique qui n'est pas interchangeable. Par exemple, l'argent est fongible, on peut échanger des euros ou des cryptomonnaies, mais une œuvre d'art est non fongible, car non échangeable avec une autre œuvre.

1.2. Jeton cryptographique.

Je reprends la définition de Wikipédia, avec le lien pour approfondir la notion. "Un NFT est un jeton cryptographique qui représente un objet (souvent numérique), auquel est rattachée une identité numérique (reliée à au moins un propriétaire). Cette donnée est stockée et authentifiée grâce à un protocole de chaîne de blocs (blockchain), qui lui accorde par là même sa première valeur. Un jeton non fongible est souvent présenté comme un titre de propriété, consigné dans un registre numérique public et décentralisé."

1.3. Le principe de la blockchain.

Comme pour les cryptomonnaies, le NFT fonctionne donc sur le principe de la blockchain. Et je viens de vous donner un second lien, pour en savoir plus sur le fonctionnement de cette dernière.

1.4. Un titre de propriété.

Le NFT est donc un certificat de propriété d’une œuvre numérique. L’œuvre est désignée par le certificat, dans le cas de l’art l’œuvre est une reproduction numérique, une photo numérique, une peinture digitale, une vidéo ou que sais-je encore. Quand on achète un NFT, on achète simplement un petit bloc de code, qui pointe vers une image ou une vidéo hébergée quelque-part. La transaction est officiellement enregistrée dans la blockchain après de multiples frais et transactions.

 

2. L’art NFT n’existe pas en lui-même


2.1. Le NFT, un URL certifié.

On a compris que le NFT est juste un doigt qui pointe vers un fichier numérique, mettons une image JPEG ou une vidéo MP4, qui vit sur un disque dur ou une plateforme sur le cloud.

2.2. L’art numérique n’a pas besoin d’un NFT pour exister.

Un Damien Hirst serait tout aussi mauvais s’il n’avait jamais été certifié par un NFT.

Quand on comprend que le NFT est juste une URL signée numériquement vers une image, on comprend que le fichier numérique de l’image n’a aucun besoin des NFT pour exister. Il n’en est ni meilleur ni moins bon, le NFT n’y apporte aucune valeur artistique ajoutée. Un Damien Hirst serait tout aussi mauvais s’il n’avait jamais été certifié par un NFT. D’ailleurs dans le NFT la valeur artistique est hors de propos. C’est la valeur financière qui compte, et la cupidité des spéculateurs. Le NFT est un pur produit du néocapitalisme et de la rapacité spéculative.

Là où il y a de l’art, il y a de l’art numérique, mais pas d’art NFT.


2.3. Le NFT n’est pas réellement un certificat d’authenticité et n’offre pas réellement de droits.

Pour résumer, en achetant un NFT on n’achète ni une œuvre, car elle n’est pas contenue dans le NFT, ni un certificat d’authenticité, car personne ne certifie que « l’œuvre » qu’on  achète est bien acquise légalement.

Beaucoup de gens n’ont aucune idée de ce qu’ils acquièrent vraiment en achetant un NFT.

 « Les NFT ne peuvent s’apparenter, sauf exception, ni à une œuvre d’art au sens du code de la propriété intellectuelle, son « smart contract » ne pouvant, en l’état des capacités techniques observables, contenir le fichier sous-jacent dans la blockchain (…), ni à un certificat d’authenticité, en l’absence de tout tiers vérificateur de l’authenticité du fichier associé ou de sa paternité ».

(Rapport du CSPLA, Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, juillet 2022).

En achetant un NFT, on n’obtient aucune propriété intellectuelle de l’œuvre. On achète juste un actif, qui est un bloc pointant vers une œuvre authentique (ou pas), sur laquelle on ne possède strictement aucun droit à part l’afficher chez soi ou la revendre.

Un NFT ne donne pas non plus accès à l’usage exclusif de l’image ou de la vidéo à laquelle il renvoie. Tout le monde peut la copier, l’imprimer et l’afficher dans son salon. Seul le code NFT est unique.

C’est juste un certificat de propriété sans aucune valeur juridique : il est certifié par qui, par quelle autorité reconnue ?

Pour résumer, en achetant un NFT on n’achète ni une œuvre, car elle n’est pas contenue dans le NFT, ni un certificat d’authenticité, car personne ne certifie que « l’œuvre » qu’on  achète est bien acquise légalement. L’Union européenne considère, dans sa réglementation MiCA, que les NFT sont des « crypto-actifs » et rien de plus.


Bibliographie en fin du post 389)

(À suivre…)


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