316) Analyse de trois photos


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Petit Hollandais, photo © Eric Itschert



En ces temps de confinement j’ai le temps de faire des recherches dans mes archives. J’y retrouve des trésors. Déjà enfant je trouvais que c’était magique de faire des photos. Malheureusement je n’avais pas mon propre appareil, j’empruntais l’appareil de famille, un petit Kodak rudimentaire. C’était du genre « vous appuyez sur le bouton, on se charge du reste ». Autant dire que la précision de l’appareil était nulle. Rembobiner le film était toute une aventure, parfois il restait calé dans le boîtier car on allait trop vite. Autour de moi quelques copains avaient le même genre d’appareils. Adolescent je développais moi-même mes photos au laboratoire du collège, c’était du noir et blanc. Ici-bas il y a deux photos prises avec ce genre d’appareil : une prise de mon meilleur ami et développée au collège, et l’autre prise de moi dans une communauté à l’époque hippie. Quand j’ai commencé mes études d’architecte, j’ai découvert avec ravissement l’appareil de photo professionnel. J’ai débuté avec un appareil Pentax KM avec un objectif de précision. C’était un outil indispensable pour mes études, et j’ai pu utiliser le laboratoire d’un ami. Toutes mes photos d’architecture ont été réalisées avec ce Pentax, mais aussi mes portraits et mes photos argentiques de nus. Un autre ami m’a prêté son appareil, encore plus performant que le mien. La photo du jeune garçon en haut est réalisée avec cet appareil. On prenait les photos en noir et blanc pour pouvoir les développer nous-mêmes. 



Petit Hollandais 


Cette photo a été prise lors d’une excursion aux Pays-Bas, dans un petit port de pêche. Le garçon est fils de marin. Soit il est parti glaner sur la grève du port, la mer n’est jamais loin, soit il a apporté un repas à son père. D’où le panier. La photo est cadrée de manière inhabituelle : on ne voit pas les pieds de l'enfant. C'est un plan italien. Le garçon était pieds nus, le bas de ses jambes et son pantalon étaient sales. Il fallait montrer la noblesse du garçon. La photo est prise en contre-plongée, pour magnifier encore l'enfant. On voit à peine l'horizon: il est tout en bas de la photo. Le visage du garçon se trouve dans le tiers supérieur de la photo, le panier dans la moitié inférieure.

Déjà à l’époque les petits pêcheurs hollandais n’étaient pas très riches, même si le poisson abondait et si on mangeait du cabillaud avec du beurre et du citron tous les vendredis. Les soles étaient réservées aux plus riches. Le pull est tricoté maison, j’en ai aussi porté de ce genre, réalisés par ma mère. Son pull a connu des temps meilleurs. Le pantalon est tenu par une ficelle. Dans le panier trônent les chaussures du garçon, son bien le plus précieux. Contrairement au reste de son habillement très usé, ses chaussures sont en bon état. Il repartira pieds nus, pour ne pas salir ses chaussures… Même si cette photo est imparfaite, c’est une de celles qui me touche le plus en raison de tout le contenu qu’il y a derrière. 



Jeux dans le sable 


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Renaud construisant un château de sable



Je n’avais pas encore un bon appareil quand cette photo a été prise. J'étais adolescent. C’est un des rares clichés (une quinzaine en tout) que j’ai gardé de mon meilleur ami de l'époque. Souvent ce sont les amitiés d’adolescence qui marquent le plus une vie, elles sont inconditionnelles, elles touchent à l’absolu. La photo est très mauvaise, elle a été prise sur la plage près du port de Zeebrugge. On voit au fond le môle du port, et le ferry Zeebrugge-Douvres qui sort dans un nuage de fumée. Le port avait encore gardé son aspect d’avant la Seconde Guerre mondiale, ce n’était pas le monstre que l’on connaît maintenant. On construisait un château de sable, cette passion me venait de mon père. (Plus tard le château de sable sera très présent dans mon travail d'artiste.) On portait des shorts ou des bermudas à fleurs, ils étaient plutôt près du corps. C’était une période de bonheur intense. Pourtant même en laboratoire il était impossible de récupérer la photo, elle était irrémédiablement floue… Cela me désespérait ! Au départ la photo était carrée, c'est après que je l'ai recoupée...



Rassemblement 



Photo portraits, époque hippie, jeune homme,
Le rassemblement, j'ai été promu sonneur de cloche...



Ce cliché a été pris dans une communauté en Lozère, où je participais à la reconstruction d’un village en montagne. Il était abandonné depuis la Seconde Guerre mondiale. On travaillait le matin, l’après-midi on faisait ce qu’on voulait. Une fille m’a pris en photo et m’en a offert un exemplaire. J’étais arrivé depuis quelques jours seulement. Avec les moyens dont on disposait les photos étaient plutôt mauvaises, car il était imprudent d’emmener un appareil de prix. On risquait de se le faire voler ou casser, les dortoirs n’étaient jamais fermés. On vivait une vie très frugale où ce qu’on mangeait était essentiellement produit sur place. Il n’y avait de la viande qu’une fois par semaine, le poisson (en conserve) était rare. Quand je revenais de là-bas j’étais plutôt famélique, on voyait mes côtes et j’avais le ventre plat… Mais quels beaux moments ! On partageait tout, et d’abord la musique et le chant !

'Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c'est que vous n'étiez pas assez près.' Robert Capa.


La photo n'est pas bonne. Il y a cette erreur que tous les amateurs font: ils veulent prendre des gens et en même temps les cadrer dans un paysage plus grand. Du coup on ne voit pas bien le personnage, il est beaucoup trop petit. Et le cadrage du paysage n'est pas bon, car il est fait en fonction d'un autre paramètre.

Certains clichés sont à peine lisibles. Flous, ils sont souvent mal fixés et disparaissent petit à petit avec le temps, un peu comme nos souvenirs…




Ces clichés sont souvent mal fixés...
Photo couleur. Elle a été prise cinq ans après
la précédente, toujours dans le même village.
Elle a été recoupée.

Flous, ces clichés sont souvent mal fixés et disparaissent petit à petit avec le temps, un peu comme nos souvenirs…

Commentaires

  1. hello Eric
    tu analyses la technicité de ces photos, pour moi elles sont belles tout simplement et de beaux souvenirs simples d'une vie simple qui n'existe plus vraiment dans nos pays..
    j'ai aussi visité les petites îles de pêcheurs en Hollande, ma mère m'y avait envoyée pendant les vacances pour parfaire le néerlandais, nous étions un groupe de gosses a bord d'une péniche (j'ai eu le mal de mer l'horreur parfois)
    le matin nous y avions des cours et l'aprem excursions dans le pays..super chouette
    et la côte belge bien sûr..pas besoin de voyager ailleurs

    bisous et bon WE ☺

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    1. Coucou chère nays, décidément nos passés se recoupent! ;-)

      Comme je faisais de la voile à partir des côtes du Zwin, la frontière des Pays-Bas était toute proche, au-delà d'un estuaire qu'on traversait à marée basse pour déguster des pommes cuites et caramélisées avec du sucre et de la cannelle dans un hôtel à Cadzand. Parfois on y allait en vélo, on passait la frontière par un passage jamais surveillé qui s'appelait Retranchement, j'ai toujours trouvé ce nom amusant! Sur la pomme trônait une grosse boule de glace à la vanille naturelle, le pied!

      Adolescent, quand nos mères allaient visiter Sluis mon ami et moi on s'éclipsait discrètement pour visiter des commerces un peu spéciaux.

      Autant te dire qu'on a souvent visité les Pays-Bas! Le plus loin où j'ai été c'était Amsterdam, seul ou avec des étudiants de Saint-Luc en voyage d'étude, on y logeait plusieurs jours. J'adorais cette culture du coffee shop, où on trouvait toutes sortes de choses complètement déjantées, des bijoux, des cartes avec des elfes, des posters et des grands tissus aux motifs hippies à pendre aux murs, des livres sur la culture alternative mais aussi sur les lutins. La culture des petits champignons me fascinait, c'était à portée de main et pourtant je n'ai jamais franchi le pas, je n'ai jamais rien pris de bizarre. En fait ce qui me faisait peur c'était le danger d'accoutumance bien sûr, mais aussi et surtout la perte de contrôle sur moi-même.

      Les regards de certains sur moi me faisaient peur, ils étaient chargés de trop de désir. Déjà l'alcool me montait vite à la tête, et les viols de garçons aux cheveux trop longs n'étaient pas rares... C'est le côté sombre de l'époque: parfois il fallait sauver sa peau, et toujours être sur ses gardes!

      Les hollandais étaient particulièrement forts dans la voile, ils avaient ça dans le sang!

      Bisous chère nays, bon weekend!

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  2. ah Cadzand petite on y allait souvent
    tu as de chouettes souvenirs aussi :) j'y suis aussi allée en 69 ou 70 je sais plus en stop avec une copine et un pote, on a logé dans un sleeping Princesgracht c'était super une chouette ambiance cool, je n'ai jamais gouté aux champignons héhé
    mais me souviens nous étions assis sur le bord d'une fontaine et paf un gamin passe et me pousse dans l'eau j'en suis sortie médusée et estomaquée mais on en a bien rit après ma longue jupe trempée mes cheveux hihi

    a Sluis ma bobonne y allait avec copines en bus mais pour ramener du beurre etc... en catimini bien
    sûr :) et faire une virée avec ses amis

    c'était chouette ☺☺

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  3. Décidément, en feuilletant ce blog on y trouve plein de trésors. Belle analyse!

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