390) Des œuvres numériques

 Article complété et modifié le 20 avril 2023


Nageur nu, photo numérique, © Eric Itschert


Je suis partisan de toute nouvelle invention technologique dès qu'elle est intéressante. C’est fou tout ce qu’on fait pour donner de nouveaux outils aux créateurs.

Des recherches à partir de l'outil numérique font partie de mon travail. Je fais souvent des allers-retours entre mon travail physique et mon travail numérique. Nous vivons à une époque  fantastique. Plus récemment j’ai même créé des œuvres numériques de A à Z.

1. Concrétiser une œuvre numérique.


La grande difficulté est alors de concrétiser l’œuvre numérique en la faisant imprimer en très grand format sur un support pérenne. Cela demande beaucoup de connaissances. J'ai fait de grands panneaux avec quelques photos de nageurs. La résolution devait être parfaite pour ne voir aucun pixel une fois la photo agrandie ! Je n'utilisais que des fichiers de haute qualité, en haute définition si c'est du JPEG, sinon en PSD ou en RAW. Je faisais appel à un ami pour vérifier mes clichés sur très grand écran. J'ai toujours privilégié la qualité de mon travail. Pourquoi concrétiser matériellement une œuvre? Parce-que le numérique est fragile. Des universités en ont fait les frais, quand pendant des années elles ont scannées des documents et des livres, et qu'au bout du compte tout était à recommencer car leurs fichiers étaient devenus illisibles. Oui, toute impression a un coût carbone, d'autant plus si le support de la photo est de l'aluminium ou du plexiglas. Mais ensuite cela ne coûte plus rien, au contraire de l'énergie nécessaire pour maintenir le document dans des centres de data année après année. Sans compter que pour admirer la photo numérique en grand format il faut des écrans géants! Et ces écrans à leur tour demandent entretien et remplacement.

2. Les possibilités infinies du numérique.


Je crois beaucoup en la technologie. Imaginons. Je souhaiterais organiser une grande exposition d'œuvres numériques avec une galerie à Tokyo. Plus besoin d'envoyer les œuvres par bateau ! J'enverrais juste des fichiers à très haute définition, la galerie les imprimerait sur place sur support plexiglas et c'est tout ! Je préciserais les dimensions, le nombre d'exemplaires, le support et le prix client sur un contrat numérique. On est loin des médiocres collectionneurs de NFT avec des JPEG représentant des singes blasés ou des punks pixellisés.

3. Une réédition de certaines de mes œuvres sous forme de triptyque numérique.


Sur Instagram j'ai opté pour le format carré...

Certaines images en devenaient illisibles...
Illustration © Eric Itschert



Sur Instagram j’ai été obligé de choisir un format : paysage, portrait ou carré. J’ai opté pour le format carré, et en conséquence j’ai fignolé de nouvelles images. Le problème, c’est que j’ai dû censurer beaucoup d'images, ce qui était terriblement frustrant ! Certaines images en devenaient illisibles.

Ce format carré m’a amené à créer des triptyques numériques. C’était très motivant. Et cela m’a donné l’idée de créer une nouvelle série d’œuvres numériques pour les collectionneurs de photos. Je travaillerais sur le thème des triptyques, mais sans me tenir au format carré. Cela me permettrait aussi de rééditer certains de mes formats carrés Instagram les plus intéressants, et non censurés, ici. En même temps il y aurait une certaine cohérence, un fil tenu, reliant les œuvres. D’où la reprise de mes activités sur ce blog. Cela serait un peu comme quand j’ai créé mes premières cartes à jouer, un Tarot pour les éditions Louis Musin : une logique, une cohérence, des familles d’œuvres.

4. Un bémol


Je ne répéterai pourtant jamais assez que tout travail numérique relève de la photo, que ce soit en virtuel ou imprimé sur un support photo quelconque. L'œuvre peut imiter à la perfection un dessin, une peinture ou une sculpture, cela reste une photo et rien de plus. Aucun crayon, aucune peinture n'est intervenu dans le processus de création. On fait comme si on peint, comme si on dessine; et je compte les hologrammes 3D dans cette classe.

Malgré toutes les innovations technologiques, mes préférences resteront toujours aux œuvres non photographiques, que ce soit des dessins sur beau papier ou des peintures réelles (1). Je continuerai donc en principal ces travaux-là. À ce sujet mon article "L'insoutenable légèreté du numérique" est toujours d'actualité, même s'il a été écrit en 2010 et que les CD et les DVD ne sont plus à la mode. Jusqu'au jour où on se rendra compte que tout stocker sur le cloud devient absolument intenable pour la préservation de notre planète. Selon moi le stockage sur un disque dur externe SSD est une solution à ce problème, mais pour combien de temps? Quelle est l'usure réelle d'un SSD? J'ai essayé la marque Samsung SSD T7 et pour le moment tout va bien. Les choses vont si vite, on est loin de la pérennité du retable "L'Agneau mystique" de Gand.


5. Conseil avisé aux collectionneurs


Pour le moment tout le monde se rue sur la photo et le numérique. La création par Intelligence Artificielle va accentuer encore le nombre de photos disponibles sur Internet. On assiste à une véritable inflation de photos et d'œuvres numériques, parfois pour le meilleur mais souvent pour le pire! Quelle laideur, quelle vulgarité dans les créations par I.A. ! J'en reparlerai. Des bulles spéculatives énormes se forment, tout comme il y en a eu concernant les NFT. 

Devant cette inflation d'artefacts virtuels, bien des galeristes avisés donnent le conseil suivant: il est temps de revenir à des valeurs plus sûres, aux œuvres uniques , que ce soit du dessin, de la peinture ou de la sculpture.

Devant cette inflation d'artefacts virtuels, bien des galeristes avisés donnent le conseil suivant: il est temps de revenir à des valeurs plus sûres, aux œuvres uniques , que ce soit du dessin, de la peinture ou de la sculpture. Pour cette dernière il faut se méfier des bronzes édités en série (plusieurs exemplaires) et où il n'y a pas de contrôle réel et vérifiable de la quantité éditée. 

Oui, en écrivant cela je me tire une balle dans le pied en ce qui concerne mon travail numérique, mais je crois que mon travail photo concerne un autre type de collectionneurs.



(1) Nos contemporains ont de plus en plus difficile de faire la différence entre le réel et la fiction. Les créateurs de mondes numériques font tout pour. Sur Instagram les vidéos courtes genre TikTok sont appelées des "réels", alors qu'elles sont transformables (filtres), prises à un moment donné très court (contexte illisible) et suite à une mise en scène parfois soignée (grimage, cosplay, déguisement, scénario). C'est parfois magnifique d'inventivité mais ce n'est pas "réel".

"Les réseaux sociaux paralysent le sens critique des gens, et plus généralement leur sens de la réalité. [...] C'est comme si les gens scellaient [avec les réseaux sociaux] un pacte de suspension de l'incrédulité et devenaient partie prenante de ce théâtre virtuel." (L'illusion du Mal, roman de Piergiorgio Pulixi).

Cette confusion mène vite à des dérives inquiétantes genre censure, destruction de livres et d'œuvres d'art, réécriture de tout ce qui dérange au nom de critères moraux contemporains, effacement de notre mémoire. Or, ce qui est justement intéressant, c'est d'apprendre que les critères moraux changent d'après les époques. Aucun critère n'est immortel, même pas les nôtres. Certains souhaitent carrément l'effacement total de notre passé et de notre histoire. Dans certaines universités américaines, cette perte de sens critique et de sens du réel fait qu'on va préférer des impostures intellectuelles créées de toutes pièces dans les antres de la sociologie plutôt que des critères objectifs scientifiques, jetés aux orties. Un tel manque de sens critique de la part d'étudiants me fait penser que la qualité de ces universités est très largement surévaluée. Un peuple qui perd tout sens critique est voué à la tyrannie. Savonarole n'est plus très loin. 


 




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