402) L’utilisation de Dall-E2 fait tache d’huile.
En quelques mois l'utilisation de l'intelligence artificielle fait tache d'huile.
1. Un réveil trop tardif
2. Une vulgarité sans nom s’insinue dans tous les domaines de l’illustration.
3. Qui influence qui ?
C’est fou comme on en revient au clair-obscur style le Caravage.
4. De surprise en surprise.
4.1. Les inclusions de bijoux.
Des inclusions de bijoux dans des portraits style clair-obscur... |
4.2. Les inclusions de visages ou de masques sur un visage.
Une seconde tête surgit d'un visage. |
J’en ai reproduit
un exemple ici, à partir d’une de mes œuvres. Le personnage ne porte plus le
masque, il l’intègre carrément comme un deuxième visage émergeant de sa
chevelure.
4.3. Les scories.
Portrait comportant des scories en arrière-plan, bulles, boules de Noël, bijoux… |
Les scories ou
résidus sont assez fréquents sur les images produites par l’AI générative.
Soudain on voit des éléments minuscules qui ressurgissent d’on ne sait quelles
recherches antérieures. On peut en voir sur une des images de la ville montrée
dans l’article 399). Sur cette image on peut imaginer tout ce que l’on veut,
une sorcière sur son balai, un vaisseau spatial issu de « Star Wars »,
un avion en perdition, des boules et une étoile de Noël en cristal suspendues
au ciel. Quand j’ai pris la photo originale de la maquette de la ville, il y
avait bien un arbre de Noël à côté, mais on ne me fera pas croire qu’il pourrait
exister des traces fantômes de l’environnement de ma photo. En tout cas toutes
ces petites scories sont amusantes et inattendues. J’en montre un autre exemple
ci-haut, sur un portrait reconstitué pour l’occasion. J'en ai un peu rajouté, je l'avoue: repérez les intrus!
Parmi les œuvres où le doute était permis, il y avait toutes les œuvres qui ressemblaient comme deux gouttes d’eau à des productions générées par les IA. Mais rien n’était dit que ce n’était pas les IA qui s’étaient inspirés d’œuvres existantes à la mode :
4.4. Des scènes avec papillons
"Les papillons bleus", visage symétrique. |
J’avoue, moi aussi j’aime beaucoup utiliser des papillons dans mes illustrations. Mais parfois trop c’est trop, et les papillons recouvrant un visage ne se comptent plus (ci-haut « Les papillons bleus », une expérience réalisée avec une symétrie parfaite et forcée d’un visage, et en-dessous "Portrait en noir et blanc 4563").
"Portrait en noir et blanc 4563" E.I. et NightCafé |
4.5. L’architecture intérieure avec un net goût pour le bois et les paysages d’Amérique du Nord.
“Une chambre avec vue sur un lac, des montagnes, une bibliothèque, un bureau avec du courrier, un lit avec des coussins colorés, hyperréaliste, digital art”. |
Pour illustrer
cette mode de peindre des intérieurs contemporains américains, j’ai réalisé une
requête textuelle au lieu d’une requête d’après photo : “Une chambre avec
vue sur un lac, des montagnes, une bibliothèque, un bureau avec du courrier, un
lit avec des coussins colorés, hyperréaliste, digital art”.
Et l’IA me ressert systématiquement des chambres dans le goût nord-américain, des constructions réalisées en bois, fort belles au demeurant, alors que je n’avais pas spécifié ces critères. Comme par hasard, dans les foires d'art, des peintures fleurissent dans le genre, lampes bizarres et tapis aux dessins vagues compris, encore des copies laborieuses sans beaucoup de plus-value de productions de l’IA générative.
Tous ces artistes sont devenus de
parfaits petits esclaves de l’IA et pérenniseront ce qui sinon risquerait de s'effacer, avec le temps, dans la masse.
4.6. Les enfants barbouillés de peinture.
Des enfants barbouillés de peinture… |
Rien ne fait plus fureur actuellement que des enfants barbouillés ou se barbouillant de peinture. On en voit des cohortes, que dis-je, des légions ! On les voit dans des productions en série d’artistes, dans des publicités, dans des productions d’IA, et même les sculptures d’enfants n’échappent plus à ce barbouillage coloré. C’est si tendance, « il faut en être ».
Au Zoute, toujours aussi chic mais malheureusement devenu très toc, on est particulièrement friand de ce genre de choses, se mélangeant habilement avec des sculptures d'animaux revêtues de couleurs criardes. Disneyland remix mode tag occupe une part importante des galeries, sans doute par mimétisme avec le non-goût de Bahreïn. La place est mure pour y laisser pénétrer l'art réalisé par IA générative.
Splash art (2), deux portraits créés par NightCafé sur un de mes prompts |
Bien sûr, ma liste de traces d'IA générative n'est pas exhaustive.
5. Après la sidération, le déni.
Les réactions de mes semblables ont toujours été une source infinie d’étonnement pour moi. Des artistes se réveillent mais trop tard, on a été mis devant le fait accompli, c'est bien noté. Tout est dans la boîte (noire) de l'IA générative et n’en ressortira plus jamais car il est impossible d’effacer ce qui y est entré. C'est noté aussi. Certains artistes courageux, n'acceptant pas le fait accompli, vont intenter un procès pour plagiat.
Mais déjà le scandale de Clearview IA chasse les scandales répétitifs précédents. Parmi eux l'utilisation du logiciel espion Pegasus, ciblant n'importe quel civil et parmi eux des journalistes. Le viol de nos vies privées par les états et des riches puissants est devenu systématique (3). Alors le vol du travail d'artistes, qui va s'en préoccuper?
D’autres artistes ne veulent absolument rien avoir avec l’IA, ce que je
comprends parfaitement, et ils pourraient bien avoir raison. C'est une question d'éthique, j'en reparlerai ultérieurement, il y a de quoi réfléchir. Parmi ces derniers artistes il y a le tout grand Hayao Miyasaki.
Mais devant ces
réactions compréhensibles, il y en a d’autres qui sont complètement
irrationnelles. Un soir la chaine de télévision Arte, dans son émission 28’, publie
une séquence ludique sur les IA. Ils
sont assaillis de commentaires furieux genre « comment osez-vous », « pour
une chaîne culturelle c’est inadmissible », etc… etc…
En quoi diable un bon artiste d’œuvres physiques pourrait-il être concurrencé par un fabricant d’ersatz numériques ?
Parce-que je veux
simplement comprendre comment fonctionne une IA générative, pour ne pas mourir
idiot, je suis considéré par certains comme un « collabo » ou pire, comme
un suppôt de Satan. De quoi peut-on avoir peur, puisqu’on est bien d’accord que
l’IA générative ne crée pas d’art ? Cela pourrait tout simplement être un outil, comme Lightroom ou Photoshop? Mais cet outil risque peut-être d'être bien plus coûteux pour la planète que Lightroom ou Photoshop? Serais-je tellement naïf ? Et en
quoi diable un bon artiste d’œuvres physiques pourrait-il être concurrencé par
un fabricant d’ersatz numériques ?
Lorsque j’ai posé
mes questions aux artistes ayant manifestement utilisé l’IA générative pour
leurs œuvres, je me suis heurté à un mur. C’était comme si je parlais d’une
maladie honteuse qu’ils auraient contractée. Aucun n’a accepté que je publie
une de ses œuvres, ou même que je cite son nom. Ils étaient tous effrayés comme
des lapins devant un renard. Cela allait de la dénégation absolue à voix basse saccadée, accompagnée de grosses gouttes de sueur, de pâleur mortelle ou de couleur cramoisie par l’émotion,
jusqu’aux supplications genre « si les gens savaient cela, je perdrais
toute crédibilité et ma carrière d’artiste serait finie. Jurez-moi que vous ne
parlerez pas de moi sur votre blog ? » Je leur ai promis de me taire, je ne veux nuire à personne.
À quoi donc tiendrait leur carrière ? Serait elle si fragile ? Pour ceux qui connaissent, c'est comme si soudain je parlais de Voldemort (oups, froid glacial).
Et qu’ai-je fait, ayant goûté au fruit défendu ?
Le résultat est
que j’ai dû créer moi-même toutes les images pour illustrer mon propos, j’étais pressé
et je ne voulais pas y consacrer trop de temps. Et qu’ai-je fait, ayant goûté
au fruit défendu ? J’ai créé vite fait bien fait des images par DALL-E2, j’avais
encore quelques doublezons en réserve… (4)
(1) La première fois que j'ai vu ce château avec la tour-chandelle reliée par un minuscule pont au reste de la bâtisse, c'était sur des images de paysages fantastiques réalisées par l'IA générative Midjourney. Quel n'a pas été ensuite ma stupeur en découvrant la couverture d'un livre dans une librairie, qui reprenait exactement la même silhouette de château! L'illustration était de facture classique, telle qu'on en voyait avant l'arrivée du numérique…
(3) Ce qui prouve qu'on ne vit pas dans une vraie démocratie, mais seulement dans un simulacre, un faux, un décor de théâtre, une illusion. Car ce n'est pas à l'état de tout savoir sur ses citoyens, mais aux citoyens de tout savoir sur l'état.
(4) Sauf trois images provenant d'exercices avec NightCafé.
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