404) Aquarelle style hippie.
Ma première aquarelle avec intervention de l’IA.
Les articles à partir du numéro 397) ont été complétés ou modifiés: j'ai voulu clarifier certaines choses à propos de l'IA, afin d'éviter toute ambiguïté. (11-07-2023).
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Hippies », aquarelle sur papier Lana Aquarelle Matt 300 gr/m2, 48cm X 36 cm, ©
Eric Itschert.
1. Une illustration dans le style hippie.
Cette illustration a été réalisée dans le style hippie, avec ce lettrage si caractéristique des années soixante. Alors que je croyais en avoir terminé avec ce type d’illustration, réalisé pour des affiches, je l’ai repris suite à mes expérimentations avec l’intelligence artificielle générative DALL-E2. Les affiches étaient à but purement fonctionnel, l’annonce d’évènements. Par hasard j’ai soumis une affiche à l’IA, pour qu’elle puisse m’en donner des variantes. Et là j’ai été vraiment ébahi par les résultats.
2. Une expérience très intéressante.
En tout j’ai retenu six variantes, et je me suis demandé, à titre purement expérimental, ce que je pourrais en faire. Je trouvais cela dommage de remiser ces images, sans plus, dans mes archives numériques. Elles étaient brutes, inachevées, malhabiles, parfois très laides, et pourtant il s’en dégageait un incroyable potentiel créatif.
3. Remettre l’IA à sa juste place dans le processus créatif.
Entre des médias faisant une promotion hystérique de l’intelligence artificielle, et des peurs tout aussi hystériques de certains artistes, il faut garder raison.
3.1. Les médias.
Tout d’abord les médias. Nous savons qu’ils sont aux mains d’une poignée de groupes financiers très puissants. Ils nous ont d’abord rabattus les oreilles avec les NFT, monstruosités énergivores parfaitement inutiles dans 99% des cas. C’était une vraie fausse bonne idée, à part pour les spéculateurs à la cupidité sans limites.
Ensuite ils ont fait la promotion de l’IA, et là c’est un coup de maître. Malheureusement le but des oligarchies qui font la pluie et le beau temps reste toujours le même : faire du fric, du fric et toujours plus de fric. Mais derrière l’arbre qui cache la forêt il y a cette avancée technologique incroyable, et il y a tous ces chercheurs qui y ont contribué. La promotion de l’IA s’est faite de manière brutale, idiote, en gommant toutes les nuances.
Déjà le terme « intelligence » est malheureux. J’utilise les mots « intelligence artificielle » afin d’être compris, mais cette appellation est totalement inadéquate. Le mot le plus adéquat serait « réseaux neuronaux artificiels ». Car non, l’IA n’est pas intelligente, elle est même très bête, et non, l’IA ne remplacera jamais l’humain. C’est du délire total que de ne plus pouvoir faire la différence entre l’élégance d’un corps humain biologique comportant un cerveau et la pesanteur des programmes artificiels d’ordinateurs hébergés par des milliers de centres de data énergivores. On est dans l’hubris, n’en déplaise à ceux qui rêvent de dominer le monde à coup de robots et d’humains rendus dociles par des puces reliés à des ordinateurs. La puissance et la fortune illimitée rendent fou, j’en reparlerai. Malheureusement notre Occident est de plus en plus délirant, dans la confusion totale entre fiction et réalité (1), pire parfois, dans le déni pur et simple de toute réalité. Il laisse aux autres l’économie et la production réelle. Il s’attèle à la colonisation numérique du vivant, alors même que le vivant et sa singularité sont hautement menacés. Plus sa technologie devient puissante, plus il s’aveugle. En cas de crise majeure comme l'irruption d'une guerre, d'un crash boursier majeur ou d'une pandémie, cette confusion peut devenir très funeste pour son avenir, pour notre avenir.
3.2. Les artistes.
Trop d’artistes sont, eux aussi, dans l’irréalité totale par rapport à l’IA. Ils en ont fait la personnification du diable, et certes les apparences sont parfois troublantes. Mais ce ne sont que des apparences, on ne le dira jamais assez : l’IA n’a rien d’une personne ni d’un esprit, je le répète, elle est aussi bête que mes pieds, et comme mes sandales il faut la prendre comme un simple outil.
Les artistes ont deux peurs : celle d’être copiés, et celle d’être effacés. En ce qui concerne le plagiat ils n’ont pas tort, mais le plagiat a toujours existé. Il leur appartient d’attaquer le plagiaire en justice. C’est les rapports de force qui rendent la lutte inégale, pas l’existence de l’IA en elle-même.
Et puis il y a la peur d’être effacé. Cette peur-là, je la comprends plus difficilement. C’est la peur des jusqu’ici privilégiés. Ils ont peur de perdre leur statut, leur passe-droit, leur notoriété, et rien n’est pire que la peur de perdre ce que l’on a. La vie m’a appris que lorsqu’on est particulièrement singulier comme moi, totalement inclassable, farouchement indépendant, on a rarement droit à la célébrité. Donc je ne puis perdre ce que je n’ai jamais eu. Il me suffit que mon travail soit admiré par des collectionneurs privilégiés, il est fait pour durer et survivra au temps et aux modes.
Je ne m’interdis aucune expérience artistique, quelle qu’elle soit. Je suis contre toute forme de tabou. Je ne permets à personne de dicter ma conduite. Et donc j’ai réalisé cette illustration à l’aquarelle.
3.3. Mode opératoire.
Si nous, artistes, voulons utiliser l’IA générative comme outil, on doit la remettre à sa juste place dans notre processus créatif. Cela ne m’intéresse pas de copier servilement ce que l’IA me propose, je dois rester le maître de ma création.
3.3.1 J’ai donc proposé une image à l’IA pour qu’elle m’en donne des variantes. Proposer une image, c’est déjà orienter l’IA vers ce que moi je veux.
3.3.2. Je note tout ce qui peut être intéressant dans les éléments proposés par l’IA. Ce sont des blocs bruts de construction. Les couleurs et la taille des variantes sont modifiées si nécessaire.
3.3.3. Ensuite mon processus créatif entre en jeu. Je vais agencer mes blocs bruts pour réaliser une nouvelle construction, suivant un ordre et des formes différentes. Je ferai plusieurs plans, plusieurs variantes, jusqu’au moment où je serai satisfait du résultat. Une fois le projet final dessiné, la création de l’aquarelle peut commencer.
4. Il ne reste plus qu’à découvrir le chemin parcouru.
Il ne reste plus qu’à découvrir le chemin parcouru. Dans l’article 339), un artiste face à l’IA, on peut voir des propositions de l’IA en variantes sur mon image initiale. Le texte de la première proposition m’a inspiré, ainsi que le visage de la seconde : j’adore la coiffure du garçon. Cela pour donner deux exemples, ce n’est pas exhaustif. Bien sûr j’ai gardé mon style.
5. Des clins d’yeux aux tics de l’intelligence artificielle.
"Hippies", détail des visages. J'ai reproduit des tics de l'IA: un bijou inséré sur le front du personnage central, des scories colorées dans ses cheveux, des dessins fantaisistes autour de son cou … |
Je n’ai pas voulu cacher l’utilisation du nouvel outil. Si on voit ma première création avant soumission à l’IA (confer 339) et cette dernière, il y a une évolution passionnante. L’illustration gagne en force, et d’abord l’aspect de mes personnages. Elle gagne aussi beaucoup en dynamisme. J’adore entre autres les cheveux de mon personnage central, animés par le vent. Il y a une explosion de couleurs, elles s’insinuent partout. Le seul reproche est peut-être que l'IA renforce ma tendance à complexifier l’œuvre jusqu’à en faire du baroque. Il faut mettre cela sur le compte de mon enthousiasme.
L‘illustration porte ma signature et seulement ma signature. L’IA n’est qu’un outil utilisé en phase intermédiaire. Mais j’ai voulu saluer sa présence en reproduisant certains de ses tics : un bijou inséré sur le front du personnage central, des scories colorées dans ses cheveux, des dessins fantaisistes autour de son cou (confer 402 4. ‘De surprise en surprise’).
Pour tordre le cou à certains poncifs, l’utilisation de l’intelligence artificielle générative n’a pas facilité ma tâche, bien au contraire. Il m’a fallu beaucoup plus de temps pour réaliser cette nouvelle aquarelle, qu’habituellement pour ce genre d’illustration.
En conclusion, je suis enthousiasmé par les ouvertures que l’IA me donne, pour plus de créativité. En tout cas en ce qui concerne le travail d’illustration. C’est un aspect très positif, souligné par cette première expérience. Paradoxe : au même moment mon travail d’illustrateur est remis en question.
Enfin il ne faut pas se voiler la face, il y a aussi des aspects très sombres à ce que produit l’IA générative. On peut utiliser un marteau pour construire une cabane, on peut aussi l’utiliser pour assassiner son voisin…
(1) Un exemple. Quand on interroge un ponte de l'intelligence artificielle français à propos de la censure exercée par l'IA générative sur la nudité, sa réponse est très abrupte. Une image de nu, c'est comme si on se déshabillait en public. Donc, nus de Michel-Ange = déshabillage en public = atteinte aux bonnes mœurs! C'est hallucinant de bêtise, et c'est d'un infantilisme consternant. Mais c'est aussi très inquiétant pour notre avenir: on quitte l'humanisme judéo-chrétien pour entrer dans un transhumanisme puritano-californien, en reprenant les termes de Michel Onfray. Cette confusion totale entre réel et fiction imprègne l'idéologie sous-jacente sur laquelle est construite notre technologie numérique. Cette confusion est voulue. Il faut en être conscient.
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